mercredi 28 juillet 2010

Vont-ils fermer la prison de Montmédy ?

J'espère bien que non !

La prison de Montmédy dans la Meuse a été réalisée dans les années 1980. Elle a pris la succession de la caserne de Montmédy. On n'entend jamais parler de quoi que ce soit dans cette prison lorsqu'on est aux alentours. Il y a quelques suicides, mais il n'y a pas cette énorme concentration de prisonniers comme à Fleury Mérogis.Il n'y a aucun prisonnier qui a vraiment défrayé la chronique.
La prison de Montmédy serait-elle une prison sans histoire ?
Bien sûr, dès que le mot prison est évoqué, certains de nous vont souhaiter qu'il n'y ait pas de prison : la prison matérialise un échec, échec de la société et de l'individu. S'il y a une société sans prison, on l'imagine quelque part dans une tribu amazonienne, dans des regroupements de pygmées dans une forêt vierge au Cameroun, au Congo, en république centre africaine.
Comment est mis à l'écart par un groupe, un individu du groupe qui représente un danger aux yeux du groupe ? Comment est organisée la sanction pour ce qui est perçu comme un délit ou un crime ? est-ce que regarder la tribu sauvage et son fonctionnement peut permettre de tirer un enseignement ?
A lire un blog sur des hommes politiques de second niveau, pas tout à fait dans la cour des grands, un blog d'un journaliste et les commentaires des lecteurs de ce blog, je note avec intérêt que les délits de ces deux jeunes hommes de 19 et 21 ans sur la Côte d'Azur en 1965 (vol de voitures, vol d'essence, possession et détention d'une arme à feu, etc...) qualifiés et jugés aboutissent à une peine de quelques mois de prison avec sursis. ces deux hommes sont des fils de bonne famille et il semble que la condamnation ne soit pas bien sévère. Certains lecteurs du blog mettraient volontiers en prison ferme les auteurs de ces délits, mais peut-être plus en relation avec les appartenances (être d'une bonne famille) et la destinée politique (qui reste celle d'hommes politiques connus nationalement, mais non internationalement).


La prison de Montmédy est un centre de détention depuis 1990.
310 détenus sont encadrés par 120 membres du personnel.
La majorité des détenus est condamnée pour délit de mœurs* (viols, agressions sexuelles).

Les conditions de vie semblent correctes à Montmédy

Les cellules sont individualisées, un par cellule voire deux maximum.
Il y a donc généralement autant de places que de détenus.
Le centre de détention doit respecter cette capacité sans la dépasser.
Les cellules sont ouvertes ( à régime ouvert) toute la journée.
Les prisonniers se promènent dans une cour aménagée, font du sport, travaillent et ont la possibilité de suivre un enseignement (non obligatoire).

À Montmédy, la prison est équipé de Canal Satellite et les prisonniers ayant un téléviseur ont donc accès à vingt chaînes.
Les ordinateurs ne permettent pas l'accès à Internet.
La radio ne peut être enregistrée.
Les condamnés ont droit à la liberté de culte : des agents de tous les cultes se déplacent.
Quatre religions sont représentées (catholique, protestante, judaïque et musulmane) par quatre agents du culte (prêtre, rabbin, pasteur et imam).

Les détenus ont le droit inaliénable à la santé et sont affiliés au régime de la Sécurité Sociale dés leur incarcération (gratuité des soins).
La loi Kouchner du 4 mars 2002 permet au détenu de suspendre sa peine si son état pathologique est incompatible avec le maintien en détention. Cette loi est donc une avancée dans le respect de la vie et pour la dignité devant la mort que la société doit à chacun, y compris aux détenus.
Les condamnés ont droit à maintenir des liens avec les personnes extérieures par l’intermédiaire des parloirs. Ils ont droit à un parloir par semaine dont le permis de visite est accordé par le chef d’établissement. La visite se déroule sans dispositif de séparation mais avec la présence d’un surveillant pénitentiaire. Il est aussi possible pour les détenus de recevoir des visiteurs de prison hors de la présence d’un surveillant : c’est le cas par exemple pour les avocats. De plus, ils ont la possibilité de téléphoner à leurs proches une fois par mois à leur frais et à la condition que l’interlocuteur soit titulaire d’un permis de visite (à savoir que l’identité du correspondant et le contenu des conversations sont contrôlés).
Les prisonniers ont la possibilité de travailler dans des ateliers ou aux services généraux (nettoyage des locaux,...). Ils peuvent aussi suivre des formations rémunérantes. Ils sont 110 sur 310 à être occupés aux ateliers, 54 aux services généraux et quatre sont formés et rémunérés. De plus, seize détenus suivent des cours scolaires à la maison familiale de Stenay.
Tous les détenus sont autorisés à travailler (sauf les plus dangereux) mais ce n’est pas obligatoire. Les travailleurs ne nécessitent pas de qualification particulière pour assurer leurs emplois car ce sont des travaux assez simples (confection de cintres, ensachages, confection de pots pourris). La prison de Montmédy a à sa disposition assez de locaux pour mettre en place ces ateliers. Les détenus travaillent six heures par jour et cinq jours par semaine : ils ont donc les mêmes droits qu’à l’extérieur. À Montmédy, ils travaillent de 7h30 à 13h30 pour pouvoir pratiquer leurs activités dans l’après midi.
Leur travail est bien entendu rémunéré, sept à onze euros par jour et ceux qui suivent des formations rémunérantes sont payés 120 euros. Ces salaires représentent 45 % du SMIC (Salaire Minimum d’Insertion Professionnelle) de l’extérieur, ce qui est un avantage pour les entreprises qui les emploient puisqu’elles les payent beaucoup moins que les travailleurs non qualifiés de l’extérieur et qui se retrouvent donc au chômage. Par contre dans les ateliers, les détenus sont payés à la tâche. Ces revenus sont placés sur des comptes nominatifs dans le service de comptabilité de la prison qui les gèrent. Ce compte est divisé en trois parties : 10 %¨du revenu est consacré aux parties libération (c’est à dire que l’argent placé ici ne sera rendu au prisonnier qu’à sa sortie de prison) et parties civiles (destiné à rembourser les dommages et intérêts aux victimes). Le reste du revenu est mis à la disposition des détenus pour qu’ils puissent s’acheter ce dont ils ont besoin à la cantine*.
Les détenus ont aussi accès à des cours du niveau collège ou BEP. Ce sont des professeurs de matières générales agréés par le ministère de l’Éducation Nationale des établissements scolaires alentour qui assurent ces cours. À Montmédy, ces cours se passent dans une salle particulière assez petite et équipée modestement. Les détenus sont une dizaine au début mais l’effectif des classes régresse assez vite au cours de l’année jusque trois élèves. Certains sont obligés de suivre ces cours car ils suivent une formation qui les y invite (BEP agricole, CAP). D’après un professeur d’histoire-géographie travaillant au centre de détention de Montmédy, la plupart des détenus qui vont à l’école en prison trouve un emploi plus facilement par la suite à leur sortie.
Le travail et les formations que proposent les établissements pénitentiaires faciliteraient donc la réinsertion des détenus qui en profitent.

Tout d’abord, celles-ci ont lieu durant leur détention. Des stages rémunérés sont mis en place dans le but de préparer leur sortie de prison : apprendre à rédiger un CV (Curriculum Vitae), définir un projet... les formateurs donnent aussi un maximum d’informations sur les métiers qui intéressent le plus les détenus.
Ceux-ci ont également accès aux parloirs le week-end et les jours fériés sauf les mineurs qui peuvent en bénéficier plus souvent. Ainsi, les détenus peuvent garder des liens avec l’extérieur et plus précisément avec leur famille.
Ils sont autorisés à acheter, par l’intermédiaire de la cantine, des radios, des télévisions, etc... pour s’informer sur l’extérieur. De plus, ils peuvent accéder à la bibliothèque pénitentiaire pour lire des ouvrages et se cultiver.
Enfin, les détenus peuvent consulter des psychologues et des psychiatre selon leurs besoins, ce qui peut les aider à réduire leur peine. En effet, les détenus peuvent bénéficier d’un aménagement de peine (ou liberté conditionnelle*) selon leur comportement. Ces remises vont jusqu’à cinq mois par an. Moins les détenus auront passé de temps en prison, plus leur réinsertion en sera facilitée.
En plus, des conseillers de probation et d’insertion sont là pour les guider pendant et après la détention. En effet, un CIP (conseiller d’insertion et de probation) a pour mission de favoriser la réinsertion sociale des personnes condamnées pour maintenir les liens familiaux des détenus, de prévenir les effets désocialisants de l’incarcération, et assurer l’aide aux sortants de prison. C’est ainsi que nous avons décidé de faire les démarches nécessaires pour rencontrer Flore D (CIP du centre de détention de Montmédy). Ainsi, les membres du SPIP travaillent au sein de la prison en contact direct avec les détenus, et également à l’extérieur en s’occupant des anciens détenus, des condamnés à sursis et aux travaux d’intérêts généraux.
Il existe aussi des centres pour peines aménagées qui visent à améliorer la prise en charge et la préparation à la sortie des condamnés à de courtes et moyennes peines, à moins d’un an de leur libération. Plus rarement, le Ministère de la Justice expérimente la surveillance par bracelets électriques des anciens détenus.

Les défaillances de la réinsertion

On parle beaucoup de réinsertion des personnes détenues : on devrait d’abord parler d’insertion car de nombreuses personnes mises en prison ne sont réellement pas bien insérées dans la société avant leur incarcération : elles sont issues pour la majorité de l’immigration et ne parlent donc pas bien le français. De plus, elles ont souffert dans leur passé (souvent dans leur enfance) de carences éducatives, affectives et de problèmes psychosociaux qui ne leur ont pas permis d’avoir une trajectoire normale de vie, d ‘où davantage de difficultés pour se réinsérer après un séjour en prison. Bien que plus d’actions soient réalisées afin de faciliter leur réinsertion, celles-ci connaissent également des défaillances, dont les causes sont multiples.
La violence du milieu carcéral détruit et n’aide pas à la reconstruction.
Ensuite, la mentalité des personnes extérieures joue également en leur défaveur. Le regard porté sur un détenu et les préjugés affaiblissent moralement et mentalement les ex-détenus.
Les défaillances de la réinsertion ont également pour cause les détenus eux-mêmes. La réinsertion passe par la prise de conscience de son acte, en prison, ce qui est difficile pour certains : en effet, beaucoup s’exilent et refusent toutes les activités proposées comme travailler, étudier... Or, ces “ occupations ” constituent un bon moyen de réinsertion car le travail fait partie de la vie. Par exemple, au centre de détention de Montmédy, 40% des détenus n’occupent aucune sorte d’ “ emploi ”, or le chômage frappe aujourd’hui près de 10% de la population active. Alors s’ils ne profitent pas de cette possibilité de travailler en prison, comment se débrouilleront-ils pour trouver un emploi à l’extérieur. De plus, certains détenus ne souhaitent garder aucun contact avec des proches de l’extérieur. Cela ne joue également pas en leur faveur. Si certains détenus n’y mettent pas du leur et n’essayent pas de garder un lien avec la réalité extérieure, leur réinsertion sera d’autant plus difficile.


Les détenus sortent de prison sans ressource. En effet, 30 % d’entre eux se retrouvent sans argent, sans emploi et sans abri. Un cinquième ont moins de huit euros en poche à la fin de leur incarcération et un tiers se retrouvent seuls. Ainsi, les anciens détenus deviennent souvent SDF (Sans Domicile Fixe) et chômeurs. L’ANPE, qui intervenait au sein de l’établissement pénitentiaire pour préparer la sortie et le retour des détenus sur le marché du travail, ne dispose d’aucun outil pour suivre les détenus à la sortie. D’ailleurs, l’agence ne rencontre qu’un sortant sur cinq.
De plus, on a remarqué que les personnes détenues étaient souvent issues de la pauvreté. Or, le système pénal est incapable généralement de les en sortir.

Dés leur incarcération, les détenus sont déjà exclus : certains sont dans l’impossibilité d’acheter ce que l’administration pénitentiaire ne fournit pas : cigarettes, télévision, nourriture de leur choix. Cette situation produit une grande détresse chez les détenus et une humiliation par rapport aux autres. Cette pauvreté produit en détention la violence, le racket, la révolte contre l’institution qui se reproduiront à la sortie dans la société.
Ainsi, le nombre de récidivistes augmentent constamment et leur propagation est importante parmi les sortants. En effet, 60 % des sortants de prison auront de nouveau affaire à la justice dont 40 % retourneront en prison dans les cinq ans après leur libération. De plus, les récidivistes commettent souvent des fautes bien plus graves que lors de leur incarcération précédente.
Les sortants de prison n’ont plus aucun droit civil après leur libération : ils n’ont plus le droit de voter, d’ouvrir un commerce, d’occuper un poste à responsabilités et cela normalement pendant six ans mais souvent, les patrons n’acceptent pas d’employer un ancien détenu même s’il a purgé sa peine depuis longtemps. De plus, si un ancien détenu tente d’ouvrir un commerce, les gens seront trop méfiants pour y aller.

On remarque une augmentation importante des suicides dans les prisons mais aussi parmi les anciens détenus.
En effet, ceux-ci étant mal réinsérés (plus de famille, plus de travail, plus de logement), ils sombrent vite dans le désespoir, alcoolisme, drogues,...qui les conduisent à la récidive.
Ainsi, les sortants de prison se sentent définitivement exclus de la société et ne peuvent retrouver une situation stable que des années après leur libération. Peu d’anciens détenus retrouvent une vie normale à leur sortie de prison.

Conclusion

la Prison fait perdre beaucoup d’espoir au fur et à mesure des années.
La réinsertion des détenus est difficile.



Remerciements au site blog sur la prison de Montmédy dont je me suis largement inspiré, très complet, qui évoque des questions plus larges